Croix occitane ou cathare : savez-vous faire la distinction ?

Emblématiques du sud de la France, la croix cathare et la croix occitane sont souvent confondues, à tort. Elles présentent des caractères bien distincts. Leurs origines, leurs formes et leurs significations diffèrent considérablement, reflétant des aspects uniques de l’histoire et de la culture occitane. Ces deux croix ont profondément marqué l’imaginaire collectif de la région, devenant des icônes reconnaissables bien au-delà des frontières du Midi.

Alors que l’une est ancrée dans une tradition séculaire, l’autre est le fruit d’une interprétation moderne de l’histoire. Leur coexistence dans le paysage culturel du sud de la France témoigne de la richesse et de la complexité de l’héritage occitan.

Des origines séparées de plusieurs siècles

La croix occitane plonge ses racines dans un passé lointain, remontant au XIe siècle. Elle fut adoptée et utilisée par les puissants comtes de Toulouse, devenant ainsi un symbole de leur autorité et de l’identité régionale. Son histoire est intimement liée à celle du Languedoc et de la Provence médiévale.

Cette croix, également connue sous le nom de croix de Toulouse ou croix du Languedoc, apparaît pour la première fois sur des sceaux et des monnaies de Raymond V, comte de Toulouse, vers 1165. Sa présence constante dans l’héraldique et l’iconographie de la région témoigne de son importance historique et culturelle. Au fil des siècles, elle est devenue un emblème fédérateur, représentant non seulement la maison de Toulouse, mais l’ensemble de la culture occitane.

En revanche, la croix cathare est une création beaucoup plus récente, dont l’origine exacte reste sujette à débat. Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, elle n’a aucun fondement historique remontant à l’époque des cathares au Moyen Âge. Il s’agit d’une interprétation moderne, souvent associée à tort au mouvement cathare par le grand public.

En réalité, aucune preuve historique n’atteste de l’utilisation d’une croix spécifique par les cathares eux-mêmes. L’émergence de ce symbole s’inscrit dans un contexte de renouveau de l’intérêt pour le catharisme au XXe siècle, alimenté par le tourisme et une certaine mystification de l’histoire régionale. Malgré son manque d’authenticité historique, la croix cathare a rapidement gagné en popularité, devenant un symbole reconnaissable associé au patrimoine cathare, particulièrement dans les régions de l’Aude et de l’Ariège.

Une forme relativement semblable

La croix occitane se distingue par sa forme caractéristique de croix grecque évidée, ornée de douze pommettes à ses extrémités. Ces douze points, souvent dorés, se détachent sur un fond généralement rouge ou jaune, couleurs emblématiques de l’Occitanie. La symétrie parfaite de cette croix, avec ses branches égales, évoque l’équilibre et l’harmonie.

La couleur or des pommettes sur fond rouge rappelle les armoiries des comtes de Toulouse, tandis que la version jaune et rouge évoque les couleurs traditionnelles du drapeau occitan. Cette richesse de détails et de symbolisme fait de la croix occitane un emblème complexe et profondément ancré dans l’identité régionale.

La croix cathare, quant à elle, présente plusieurs variantes de design, la plus connue étant une croix ancrée inscrite dans un cercle. Ses couleurs habituelles sont le noir sur fond blanc, bien que d’autres variations existent. Cette simplicité graphique contraste avec l’élaboration de la croix occitane.

La croix ancrée, dont les extrémités s’évasent en forme d’ancre, est un motif que l’on retrouve dans l’art médiéval, mais qui n’a pas de lien spécifique avec le catharisme historique. Le cercle qui entoure la croix peut être interprété comme un symbole d’unité ou d’éternité. Les couleurs noir et blanc, souvent utilisées, peuvent évoquer le dualisme attribué (parfois à tort) à la doctrine cathare, opposant le bien et le mal, la lumière et l’obscurité.

Un symbolisme profond pour la croix occitane

La croix occitane est riche en symbolisme, mêlant des éléments solaires et chrétiens. Son origine remonte à des traditions anciennes, bien antérieures au christianisme. La forme de croix grecque évoque les quatre points cardinaux, tandis que les douze pommettes peuvent représenter les douze mois de l’année ou les douze heures du jour, faisant ainsi référence au cycle solaire. Cette symbolique solaire a été progressivement intégrée dans la tradition chrétienne, où les douze points ont été réinterprétés comme les douze apôtres du Christ. La croix elle-même, bien sûr, est un symbole chrétien par excellence, représentant la crucifixion et la rédemption.

Les interprétations symboliques de la croix occitane sont multiples et variées, incluant :

  • les douze signes du zodiaque ;
  • les quatre saisons, chacune composée de trois mois ;
  • l’union mystique de l’âme et de l’esprit, selon l’Apocalypse de Saint Jean ;
  • les douze portes de la Jérusalem céleste.

Cette richesse symbolique reflète la complexité de l’histoire et de la culture occitanes, où différentes traditions se sont entremêlées au fil des siècles.

En revanche, la croix dite « cathare » n’a pas de signification symbolique historiquement attestée liée au catharisme. Son symbolisme est une construction moderne, souvent basée sur des interprétations contemporaines du mouvement cathare. Le cercle entourant la croix dans certaines versions est parfois interprété comme un symbole d’unité ou d’éternité, mais ces interprétations sont postérieures à l’époque des cathares historiques.

Des utilisations variées

L’utilisation historique de ces deux croix présente un contraste saisissant. La croix occitane bénéficie d’une longue et riche histoire d’utilisation officielle et populaire. Elle fut notamment :

  • l’emblème officiel des comtes de Toulouse à partir du XIIe siècle ;
  • un symbole largement utilisé dans l’héraldique du Languedoc ;
  • un motif récurrent sur les monnaies et les sceaux officiels de la région ;
  • un élément décoratif dans l’architecture religieuse et civile médiévale.

En contraste frappant, la croix dite « cathare » n’a aucune utilisation historique avérée par les cathares eux-mêmes. L’adoption de ce symbole s’inscrit dans un contexte de renouveau de l’intérêt pour le catharisme au XXe siècle, alimenté par le tourisme et une certaine mystification de l’histoire régionale.

Une reconnaissance officielle unique

La croix occitane jouit d’une reconnaissance officielle importante, contrairement à la croix dite « cathare ». Elle est notamment le symbole officiel de la région administrative Occitanie depuis sa création en 2016. Mais elle figure aussi sur les drapeaux et logos de nombreuses collectivités territoriales du sud de la France.

Cette reconnaissance officielle témoigne de l’ancrage profond de la croix occitane dans l’identité régionale. Elle figure sur de nombreux documents officiels, bâtiments publics et est utilisée lors de cérémonies officielles dans la région.

En revanche, la croix dite « cathare » ne bénéficie d’aucune reconnaissance officielle en tant que symbole historique ou culturel. Son utilisation reste principalement liée au tourisme et à la promotion du patrimoine local dans certaines zones spécifiques.

Des présences géographiques contrastées

La croix occitane est présente dans une vaste zone correspondant à l’aire linguistique et culturelle occitane. On la retrouve :

  • dans tout le sud de la France, de l’Aquitaine à la Provence ;
  • dans le Val d’Aran en Espagne ;
  • dans certaines vallées occitanophones des Alpes italiennes.

Sa présence est particulièrement forte dans les régions historiques du Languedoc et de la Provence.

La croix cathare, quant à elle, a une diffusion géographique beaucoup plus limitée. On la trouve principalement dans le département de l’Aude, autour de Carcassonne, dans certaines parties de l’Ariège et de manière ponctuelle dans d’autres zones associées à l’histoire cathare.

Deux croix qui font parler d’elles

Les deux croix ont été au cœur de diverses controverses, bien que de nature différente.

Pour la croix occitane, les débats ont principalement porté sur son utilisation politique par certains mouvements régionalistes ou autonomistes. La question de sa place dans l’espace public, notamment dans les écoles, en tant que symbole culturel ou religieux, a également occasionné des discussions. Son interprétation historique et symbolique fait encore l’objet de discussions entre historiens.

Concernant la croix dite « cathare », les controverses sont d’une autre nature. Son authenticité historique est remise en question par les historiens. Son utilisation commerciale et touristique est parfois critiquée comme une forme de « folklorisation » de l’histoire cathare. Elle alimente par ailleurs des débats sur la représentation et l’interprétation du catharisme dans la culture populaire.

Ces controverses reflètent la complexité de l’histoire et de l’identité occitanes, ainsi que les enjeux liés à la représentation du patrimoine culturel et historique.

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